samedi 9 février 2008
Barbara Loden
A la fin, Wanda entre n'importe où, c'est-à-dire dans un bar. Il y a les ouvriers, leurs bonnes amies, on voit bien les cheveux blonds de Wanda détachés sur le noir du décor profond et accueillant comme à l'évidence, il n'a pas besoin d'être montré, chacun l'a reconnu, tout le monde l'habite. Indescriptiblement familier.
Il y a les amis qui chantent, zim zoum zim boum zoum, les chemises à carreaux, les sons mêlés comme des promesses d'étreinte, la rumeur dorée du fraternel.
A toutes les tables, on donne à boire et on écluse sans se lasser.
Wanda baisse un peu la tête, l'image s'arrête.
Le bar, cet effrayant paddock où mon prochain toujours s'éloigne.
Nicole Brenez
Il y a les amis qui chantent, zim zoum zim boum zoum, les chemises à carreaux, les sons mêlés comme des promesses d'étreinte, la rumeur dorée du fraternel.
A toutes les tables, on donne à boire et on écluse sans se lasser.
Wanda baisse un peu la tête, l'image s'arrête.
Le bar, cet effrayant paddock où mon prochain toujours s'éloigne.
Nicole Brenez
mercredi 6 février 2008
Vincent Gallo
Vincent, j'aurais pu le connaître à travers Jim [Jarmusch] parce qu'ils habitaient la même rue à New York. Mais la rencontre s'est faite autrement. Je faisais un moyen métrage à New York et je cherchais des personnages. Quelqu'un m'a dit que je devrais rencontrer ce gars-là. Et Vincent est arrivé... Il était peintre, il vendait des guitares de collection, il traversait les Etats-Unis dans sa Toyota pour acheter des guitares, il était musicien, c'était déjà quelqu'un de complet. Quand on lit ses interviews on peut parfois être horrifié, mais Vincent a fait le choix d'être un artiste, quel que soit le prix à payer, y compris celui d'être haïssable.
Quand on rencontre Vincent, qu'on le côtoie un peu, qu'on voit ses choix, quand on sait qu'il est parti très jeune en Italie pour voir la peinture italienne et essayer de rencontrer Pasolini, il est clair qu'il a toujours eu cette exigence. Cette exigence est parfois masquée sous des torrents d'injures, mais elle est absolue. Dans The Brown Bunny, quand tu vois chaque geste du personnage, tu te rends compte que chaque chose doit être faite jusqu'au bout. Durant la projection à Cannes, c'était très dur, j'avais les boyaux fracassés, j'avais peur pour lui. Dans le film, les rencontres avec les femmes, c'est pas la drague, c'est une quête, une quête qui n'est pas médiocre.
Plutôt que d'être moyen ou bon, Vincent préfère être totalement détesté. Il ne veut jamais être dans la moyenne. Un jour, à New York, il refaisait le sol de son appartement. Il y avait des petits défauts alors il avait cassé le plancher, et jour et nuit il refaisait tout ! C'est peut-être de la maniaquerie obsessionnelle, mais il n'y a pas de lamentations chez lui : il casse et il refait. Et après huit jours de travail, il était exsangue, mais le sol était parfait. Sur cette base-là, il pouvait essayer de faire un disque ou un film parfait. Si le sol n'était pas parfait, c'était pour lui un début de renoncement. A ses yeux, rien n'est au-dessus de la démarche artistique, pas même l'amour.
Claire Denis, propos recueillis par Serge Kaganski, les inrockuptibles n°436 du 7 au 13 avril 2004.
Quand on rencontre Vincent, qu'on le côtoie un peu, qu'on voit ses choix, quand on sait qu'il est parti très jeune en Italie pour voir la peinture italienne et essayer de rencontrer Pasolini, il est clair qu'il a toujours eu cette exigence. Cette exigence est parfois masquée sous des torrents d'injures, mais elle est absolue. Dans The Brown Bunny, quand tu vois chaque geste du personnage, tu te rends compte que chaque chose doit être faite jusqu'au bout. Durant la projection à Cannes, c'était très dur, j'avais les boyaux fracassés, j'avais peur pour lui. Dans le film, les rencontres avec les femmes, c'est pas la drague, c'est une quête, une quête qui n'est pas médiocre.
Plutôt que d'être moyen ou bon, Vincent préfère être totalement détesté. Il ne veut jamais être dans la moyenne. Un jour, à New York, il refaisait le sol de son appartement. Il y avait des petits défauts alors il avait cassé le plancher, et jour et nuit il refaisait tout ! C'est peut-être de la maniaquerie obsessionnelle, mais il n'y a pas de lamentations chez lui : il casse et il refait. Et après huit jours de travail, il était exsangue, mais le sol était parfait. Sur cette base-là, il pouvait essayer de faire un disque ou un film parfait. Si le sol n'était pas parfait, c'était pour lui un début de renoncement. A ses yeux, rien n'est au-dessus de la démarche artistique, pas même l'amour.
Claire Denis, propos recueillis par Serge Kaganski, les inrockuptibles n°436 du 7 au 13 avril 2004.
mardi 5 février 2008
Dario Argento
Suspiria est-il vraiment, selon vous, le sommet de votre carrière ?
A force de me l’entendre dire, je finis par croire que c’est peut-être vrai. Mais j’aime avant tout les films les plus difficiles à réaliser. Suspiria en fait partie. Ce fut à la fois un défi technique et scénaristique. J’avais notamment décidé de ne pas faire deux plans semblables. Avec le directeur de la photo, nous avons donc élaboré quelque chose comme 2 000 plans et seulement deux ou trois sont comparables. C’est ce qui donne, en partie, cette sensation de vertige que je voulais. Je faisais preuve alors d’un grand enthousiasme dans le maniement de la caméra. Ensuite, ma vie privée est entrée en ligne de compte dans le film.
Quels autres films ont été autant chargés d’émotions ?
Le Fantôme de l’Opéra m’avait beaucoup touché. Pour des raisons personnelles, mais aussi à cause de coïncidences troublantes. Pendant le tournage, mon père est mort, l’un des acteurs a eu un accident de voiture et il est resté bloqué pendant deux mois. Dans le film, il était question d’un opéra de Verdi, Macbeth, dont tous les mélomanes en Italie disent qu’il porte malheur. Même à la projection, il y a eu une avalanche d’incidents. Pendant qu’on attendait le rétablissement du comédien, on m’a conseillé de changer d’opéra, de prendre la Traviata, comme ça je ne risquais rien. N’importe quoi…
Ces expériences vous ont presque détourné du cinéma…
Ça a déclenché en moi une dépression terrible. Je suis parti pour un voyage en Extrême-Orient parce que j’avais besoin de me perdre. Etre tout seul, sans personne à qui parler, pour que la vérité m’envahisse. Plus tard, je suis resté un bon moment à Los Angeles. Là-bas, j’ai rencontré un vieil ami dans la rue, Alan Jones, un critique de cinéma, qui m’a remonté le moral… et presque sauvé la vie.
Vous faites partie de ces cinéastes dont certains films sont adulés. Comment le vivez-vous ?
C’est un sentiment difficile à définir. D’une certaine manière, les fans ont pris le pouvoir sur mes films. Je les ai toujours fait pour moi, mais dès qu’ils sont terminés, je m’en sens exproprié. C’est la raison pour laquelle, par exemple, je n’ai pas un seul DVD de mes films à la maison. Même pas d’article, rien, sinon des souvenirs. Si des amis me rendent visite et me demandent à voir un de mes films, je les envoie au vidéo-club.
Je suis une sorte d’otage : lorsque je rencontre ces fans, ou même plus généralement le public, je me rends compte qu’ils ne veulent que des choses qu’ils connaissent déjà, toujours la même histoire. J’imagine que c’est pour cela qu’ils sont capables de revoir le même film quatre ou cinq fois consécutivement.
Vous sentez-vous condamné à toujours refaire le même film ?
Surtout pas. Quand le film est fini et qu’il est entre les mains du public, je suis déjà sur autre chose. A propos de ma trilogie, j’ai fait le deuxième film trois ans après le premier, et lorsqu’il a été question de tourner le troisième, j’ai dit non. Je pensais qu’il fallait attendre. Pendant ce temps-là, je suis allé en Amérique, j’ai signé deux films avec ma fille Asia, plus deux épisodes des Masters of Horror. Puis, quand plus personne ne pensait à me demander où en était ce troisième volet, alors j’ai commencé à tourner la Terza Madre.
Mais le film était déjà écrit il y a vingt-cinq ans ?
Oui, en grande partie. Il y avait surtout la même envie de raconter une histoire aux limites de l’impossible. Où la réalité est plus profonde, comme chez Edgar Allan Poe. Poe ne croyait pas aux fantômes, mais il pensait qu’ils étaient intéressants, qu’ils disaient des choses sur la réalité. Moi, je ne crois pas aux sorcières, parce que je n’en ai jamais rencontré. Mais c’est un thème qui permet de faire un grand saut dans l’inconnu, dans l’irrationnel. Plus encore aujourd’hui qu’il y a vingt-cinq ans, la réalité s’est enlaidie, alors il faut en sortir.
Entre Suspiria et la Terza Madre, qu’est-ce qui a changé dans le cinéma ?
Les gens qui le financent, surtout aux Etats-Unis, ne sont plus les producteurs passionnés que je connaissais. La plupart détestent même le cinéma. Mais comme ils veulent tout contrôler, ils mettent leur nez absolument partout. Par exemple, je suis un des rares à tourner le film dans l’ordre où il sera monté. Ça, les Américains, ça leur fait peur, juste pour des questions d’argent. Sur Masters of Horror, il a fallu que le monteur intervienne en disant que cette façon de travailler lui convenait, pour calmer les esprits. Après, d’autres metteurs en scène venaient sur le tournage pour me copier. Je raconte ça pour vous dire que, aujourd’hui, le cinéma coûte trop cher. Que tout le monde cherche comment gagner beaucoup d’argent le plus vite possible. Et pour faire quoi ? Spider-Man 3 ou Die Hard 4 ? Ces films-là, ce n’est rien.
Vos projets ?
J’ai des choses en cours d’écriture. Mais depuis que j’ai terminé la trilogie, je me sens un peu seul, abandonné. Ça y est, tout ce que je voulais faire, je l’ai réalisé. Pour l’instant, je suis en manque de lubie.
Entretien avec Bruno Icher, publié dans Libération le 27 décembre 2007.
A force de me l’entendre dire, je finis par croire que c’est peut-être vrai. Mais j’aime avant tout les films les plus difficiles à réaliser. Suspiria en fait partie. Ce fut à la fois un défi technique et scénaristique. J’avais notamment décidé de ne pas faire deux plans semblables. Avec le directeur de la photo, nous avons donc élaboré quelque chose comme 2 000 plans et seulement deux ou trois sont comparables. C’est ce qui donne, en partie, cette sensation de vertige que je voulais. Je faisais preuve alors d’un grand enthousiasme dans le maniement de la caméra. Ensuite, ma vie privée est entrée en ligne de compte dans le film.
Quels autres films ont été autant chargés d’émotions ?
Le Fantôme de l’Opéra m’avait beaucoup touché. Pour des raisons personnelles, mais aussi à cause de coïncidences troublantes. Pendant le tournage, mon père est mort, l’un des acteurs a eu un accident de voiture et il est resté bloqué pendant deux mois. Dans le film, il était question d’un opéra de Verdi, Macbeth, dont tous les mélomanes en Italie disent qu’il porte malheur. Même à la projection, il y a eu une avalanche d’incidents. Pendant qu’on attendait le rétablissement du comédien, on m’a conseillé de changer d’opéra, de prendre la Traviata, comme ça je ne risquais rien. N’importe quoi…
Ces expériences vous ont presque détourné du cinéma…
Ça a déclenché en moi une dépression terrible. Je suis parti pour un voyage en Extrême-Orient parce que j’avais besoin de me perdre. Etre tout seul, sans personne à qui parler, pour que la vérité m’envahisse. Plus tard, je suis resté un bon moment à Los Angeles. Là-bas, j’ai rencontré un vieil ami dans la rue, Alan Jones, un critique de cinéma, qui m’a remonté le moral… et presque sauvé la vie.
Vous faites partie de ces cinéastes dont certains films sont adulés. Comment le vivez-vous ?
C’est un sentiment difficile à définir. D’une certaine manière, les fans ont pris le pouvoir sur mes films. Je les ai toujours fait pour moi, mais dès qu’ils sont terminés, je m’en sens exproprié. C’est la raison pour laquelle, par exemple, je n’ai pas un seul DVD de mes films à la maison. Même pas d’article, rien, sinon des souvenirs. Si des amis me rendent visite et me demandent à voir un de mes films, je les envoie au vidéo-club.
Je suis une sorte d’otage : lorsque je rencontre ces fans, ou même plus généralement le public, je me rends compte qu’ils ne veulent que des choses qu’ils connaissent déjà, toujours la même histoire. J’imagine que c’est pour cela qu’ils sont capables de revoir le même film quatre ou cinq fois consécutivement.
Vous sentez-vous condamné à toujours refaire le même film ?
Surtout pas. Quand le film est fini et qu’il est entre les mains du public, je suis déjà sur autre chose. A propos de ma trilogie, j’ai fait le deuxième film trois ans après le premier, et lorsqu’il a été question de tourner le troisième, j’ai dit non. Je pensais qu’il fallait attendre. Pendant ce temps-là, je suis allé en Amérique, j’ai signé deux films avec ma fille Asia, plus deux épisodes des Masters of Horror. Puis, quand plus personne ne pensait à me demander où en était ce troisième volet, alors j’ai commencé à tourner la Terza Madre.
Mais le film était déjà écrit il y a vingt-cinq ans ?
Oui, en grande partie. Il y avait surtout la même envie de raconter une histoire aux limites de l’impossible. Où la réalité est plus profonde, comme chez Edgar Allan Poe. Poe ne croyait pas aux fantômes, mais il pensait qu’ils étaient intéressants, qu’ils disaient des choses sur la réalité. Moi, je ne crois pas aux sorcières, parce que je n’en ai jamais rencontré. Mais c’est un thème qui permet de faire un grand saut dans l’inconnu, dans l’irrationnel. Plus encore aujourd’hui qu’il y a vingt-cinq ans, la réalité s’est enlaidie, alors il faut en sortir.
Entre Suspiria et la Terza Madre, qu’est-ce qui a changé dans le cinéma ?
Les gens qui le financent, surtout aux Etats-Unis, ne sont plus les producteurs passionnés que je connaissais. La plupart détestent même le cinéma. Mais comme ils veulent tout contrôler, ils mettent leur nez absolument partout. Par exemple, je suis un des rares à tourner le film dans l’ordre où il sera monté. Ça, les Américains, ça leur fait peur, juste pour des questions d’argent. Sur Masters of Horror, il a fallu que le monteur intervienne en disant que cette façon de travailler lui convenait, pour calmer les esprits. Après, d’autres metteurs en scène venaient sur le tournage pour me copier. Je raconte ça pour vous dire que, aujourd’hui, le cinéma coûte trop cher. Que tout le monde cherche comment gagner beaucoup d’argent le plus vite possible. Et pour faire quoi ? Spider-Man 3 ou Die Hard 4 ? Ces films-là, ce n’est rien.
Vos projets ?
J’ai des choses en cours d’écriture. Mais depuis que j’ai terminé la trilogie, je me sens un peu seul, abandonné. Ça y est, tout ce que je voulais faire, je l’ai réalisé. Pour l’instant, je suis en manque de lubie.
Entretien avec Bruno Icher, publié dans Libération le 27 décembre 2007.
秀夫中田 Hideo Nakata
De la découverte d’une vocation...
Quand j’étais enfant, je pense que je voyais déjà plus de films que la moyenne. Lorsque j’étais au collège notamment, j’étais un très grand fan de François Truffaut. Cependant, ce n’est qu’au cours de ma dernière année à l’université que j’ai décidé de faire du cinéma mon métier.
A l’époque, je participais à un séminaire sur le cinéma, et je voyais environ 300 films par an. Ensuite je suis rentré aux studios Nikkatsu, au sein desquels j’ai travaillé en tant qu’assistant réalisateur sur des roman porno. De là, il semblait assez naturel de devenir moi-même réalisateur ; je pensais que je pourrais le faire au sein de la Nikkatsu, mais c’était une période difficile pour la société et j’ai du attendre un certain temps avant que se concrétise une opportunité.
Jusqu’à ma dernière année à l’université donc, je me contentais de voir des films : cela me satisfaisait et me suffisait. Ce n’est qu’à partir du moment où j’ai été amené à réfléchir à la manière dont les films étaient faits que j’ai eu envie de participer moi-même à la réalisation.
De l’importance de l’amour...
L’amour était un élément essentiel pour développer le drame exposé dans Dark Water : la nouvelle à la base du film est très courte, et j’étais donc bien obligé de développer la relation entre la mère et sa fille pour parvenir à un long-métrage. Néanmoins c’est un sentiment très différent de celui développé dans Ring, puisque ce n’est pas un amour entre un homme et une femme. Dans le cas de Ring, je voulais avant tout faire un film qui fasse peur. La relation développée par le couple divorcé est plus secondaire.
A l’avenir toutefois, j’aimerais faire des films plus "normaux", pouvoir m’attarder simplement sur les relations entre différents protagonistes, ou encore l’amour qui unit deux personnes.
D’une conception du film d’horreur...
Je ne pense pas faire des films d’horreur qui diffèrent vraiment des films occidentaux, en matière de conception de l’horreur. Un film comme La Maison du diable de Robert Wise, par exemple, est un film qui ne s’attarde pas vraiment sur le quotidien, mais parvient à faire peur sans jamais montrer de fantôme à l’image. Je trouve qu’il y a une technique, une maîtrise très impressionnantes sur ce film. J’ai aussi été fortement influencé par les films de Carl Dreyer.
Il faut cependant bien faire face à une réalité, qui ne se limite pas à mes adaptations des romans et nouvelles de Kôji Suzuki : il faut montrer des fantômes, c’est ce que les spectateurs attendent !
En réalité, les gens ne voient pas de fantômes au quotidien, pour la bonne raison que ceux-ci sont complètement irréels. Pourtant il faut les montrer, sans que cette contradiction ne soit évidente : mon rôle est donc d’essayer de trouver un moyen de concilier le réel et l’irréel, et le quotidien est un terrain qui s’y prête bien. Dans Ring, c’est Sadako, que l’on voit plusieurs fois dans le film, qui incarne ce lien. Dans Dark Water, c’est cette petite fille qui est morte enfermée dans un réservoir et qui revient hanter son appartement.
De l’influence de Nobuo Kakagawa...
Quand j’ai fait Ring et Ring 2, j’ai regardé de nombreuses fois Tokaido-Yotsuyakaidan de Nobuo Nakagawa, qui est certainement l’un des réalisateurs japonais qui m’a le plus influencé. Bien que ce film m’ait vraiment marqué et soit à mes yeux l’un des chefs-d’œuvre du film de fantômes, il m’est difficile d’expliciter exactement ce en quoi il m’a inspiré pour Ring et Ring 2.
Alors que Sadako dans Ring est certainement plus un démon qu’un fantôme, je pense que Mitsuko, la fillette de Dark Water, ressemble beaucoup au fantôme de Tokaido-Yotsuyakaidan. Celui-ci met en scène une femme qui a été assassinée et revient se venger ; ses victimes sont déterminées, et elle est inoffensive pour des gens qui n’ont rien à voir avec la tragédie qu’elle a vécue.
Même si dans Dark Water l’héroïne et sa fille emménagent dans cet appartement un peu par hasard, ce n’est finalement pas complètement un hasard si le fantôme de Mitsuko s’attaque à elles. Dans ce rapprochement avec l’œuvre de Nakagawa, je pense que Dark Water développe une forme d’horreur plus traditionnelle que celle explicitée dans Ring et Ring 2, qui est à la fois plus moderne et plus universelle."
Propos recueillis par Sancho Does Asia le mardi 28 janvier 2003.
Quand j’étais enfant, je pense que je voyais déjà plus de films que la moyenne. Lorsque j’étais au collège notamment, j’étais un très grand fan de François Truffaut. Cependant, ce n’est qu’au cours de ma dernière année à l’université que j’ai décidé de faire du cinéma mon métier.
A l’époque, je participais à un séminaire sur le cinéma, et je voyais environ 300 films par an. Ensuite je suis rentré aux studios Nikkatsu, au sein desquels j’ai travaillé en tant qu’assistant réalisateur sur des roman porno. De là, il semblait assez naturel de devenir moi-même réalisateur ; je pensais que je pourrais le faire au sein de la Nikkatsu, mais c’était une période difficile pour la société et j’ai du attendre un certain temps avant que se concrétise une opportunité.
Jusqu’à ma dernière année à l’université donc, je me contentais de voir des films : cela me satisfaisait et me suffisait. Ce n’est qu’à partir du moment où j’ai été amené à réfléchir à la manière dont les films étaient faits que j’ai eu envie de participer moi-même à la réalisation.
De l’importance de l’amour...
L’amour était un élément essentiel pour développer le drame exposé dans Dark Water : la nouvelle à la base du film est très courte, et j’étais donc bien obligé de développer la relation entre la mère et sa fille pour parvenir à un long-métrage. Néanmoins c’est un sentiment très différent de celui développé dans Ring, puisque ce n’est pas un amour entre un homme et une femme. Dans le cas de Ring, je voulais avant tout faire un film qui fasse peur. La relation développée par le couple divorcé est plus secondaire.
A l’avenir toutefois, j’aimerais faire des films plus "normaux", pouvoir m’attarder simplement sur les relations entre différents protagonistes, ou encore l’amour qui unit deux personnes.
D’une conception du film d’horreur...
Je ne pense pas faire des films d’horreur qui diffèrent vraiment des films occidentaux, en matière de conception de l’horreur. Un film comme La Maison du diable de Robert Wise, par exemple, est un film qui ne s’attarde pas vraiment sur le quotidien, mais parvient à faire peur sans jamais montrer de fantôme à l’image. Je trouve qu’il y a une technique, une maîtrise très impressionnantes sur ce film. J’ai aussi été fortement influencé par les films de Carl Dreyer.
Il faut cependant bien faire face à une réalité, qui ne se limite pas à mes adaptations des romans et nouvelles de Kôji Suzuki : il faut montrer des fantômes, c’est ce que les spectateurs attendent !
En réalité, les gens ne voient pas de fantômes au quotidien, pour la bonne raison que ceux-ci sont complètement irréels. Pourtant il faut les montrer, sans que cette contradiction ne soit évidente : mon rôle est donc d’essayer de trouver un moyen de concilier le réel et l’irréel, et le quotidien est un terrain qui s’y prête bien. Dans Ring, c’est Sadako, que l’on voit plusieurs fois dans le film, qui incarne ce lien. Dans Dark Water, c’est cette petite fille qui est morte enfermée dans un réservoir et qui revient hanter son appartement.
De l’influence de Nobuo Kakagawa...
Quand j’ai fait Ring et Ring 2, j’ai regardé de nombreuses fois Tokaido-Yotsuyakaidan de Nobuo Nakagawa, qui est certainement l’un des réalisateurs japonais qui m’a le plus influencé. Bien que ce film m’ait vraiment marqué et soit à mes yeux l’un des chefs-d’œuvre du film de fantômes, il m’est difficile d’expliciter exactement ce en quoi il m’a inspiré pour Ring et Ring 2.
Alors que Sadako dans Ring est certainement plus un démon qu’un fantôme, je pense que Mitsuko, la fillette de Dark Water, ressemble beaucoup au fantôme de Tokaido-Yotsuyakaidan. Celui-ci met en scène une femme qui a été assassinée et revient se venger ; ses victimes sont déterminées, et elle est inoffensive pour des gens qui n’ont rien à voir avec la tragédie qu’elle a vécue.
Même si dans Dark Water l’héroïne et sa fille emménagent dans cet appartement un peu par hasard, ce n’est finalement pas complètement un hasard si le fantôme de Mitsuko s’attaque à elles. Dans ce rapprochement avec l’œuvre de Nakagawa, je pense que Dark Water développe une forme d’horreur plus traditionnelle que celle explicitée dans Ring et Ring 2, qui est à la fois plus moderne et plus universelle."
Propos recueillis par Sancho Does Asia le mardi 28 janvier 2003.
Monte Hellman
You got your start back in the late Fifties-early Sixties with Roger Corman, alongside people like Peter Bogdanovich, Jonathan Demme, Martin Scorsese, Francis Ford Coppola, and Jack Hill. Can you give me an idea what that was like, and how you came to be involved?
I was producing and directing in the theatre in Los Angeles, and Roger was one of the investors in the theatre I was at. We got evicted, as it happened, when they decided to tear the theatre down and turn it into a movie theatre. Roger made a comment that I should look at that as the handwriting on the wall, so to speak, and take it as a sign to start working in films, and he offered me a movie.
How do you view those early works looking back today?
Well, I'm embarrassed by The Beast From Haunted Cave just because when I see it I just see my total, ah, ignorance at the time and just a lack of knowledge of the medium. So that's an embarrassment, but not because of the kind of picture it was or the situation with Corman but just because of my own lack of experience. I think very fondly of the days on The Terror and a whole series of other pictures that I did pieces of -- that experience was terrific because I really had my own unit and I was able to produce, write, and direct some stuff that I thought was very creative. And it was a great learning experience.
What were those "pieces" of films you did?
Oh, there was a whole series. I actually added some scenes to Beast From Haunted Cave as well as Last Woman on Earth, Creature From the Haunted Sea (which was a remake of Beast From the Haunted Cave), and Ski Troop Attack.
Beginning with The Wild Ride (1960) you began a working relationship with Jack Nicholson which continued for some time. How did that come about?
We became friends on The Wild Ride, and we ended up writing a script together which Corman was supposed to produce but he ended up changing his mind and instead offered us the chance to do a pair of Westerns in Utah [Ride in the Whirlwind, 1965; The Shooting, 1967].
Were the Westerns that you did in the mid-Sixties something you were eager to do or were they more something you were saddled with?
Well, we didn't ask to do the two Westerns -- that was Corman's idea -- but it happened to be something that I was very fond of. I was a big fan of Westerns all through my formative years, and I was a great fan of The Lone Ranger serials when I was growing up.
Those early Corman years were an amazingly fruitful time for so many young filmmakers who are now some of the most respected and influential artists of our time. What was it about Roger Corman that drew so many young maverick directors to him?
Well, I think it wasn't just directors. Roger was (and is) an extremely bright guy, he's a Rhodes scholar, he was an engineering student at Stanford University, he's just absolutely one of the brightest people I've known in my life. Like a lot of bright people -- not all, but a lot of bright people -- he wanted to surround himself with other bright people. Roger wouldn't even consider anybody for his personal assistant or secretary unless they had a Phi Beta Kappa key. He had these kind of prejudices in favor of intelligence, and so he hired a lot of bright people to work for him in every department including filmmakers.
Was it ever intimidating working under the time and budget constraints that Corman is known for?
Not intimidating, but it was a challenge. I enjoy that kind of challenge. I kind of did my training in summer stock, and that was far more harrowing an experience than anything I ever did with Corman.
To this day, Two-Lane Blacktop is the film you're best known for, and rightly so. That said, the film pretty much sank without a trace when it was released in the summer of 1971 despite having been nominated "Film of the Year" by Esquire magazine, which also ran a cover story in their April issue. What happened?
It was very simple. The sales department at Universal was very enthusiastic, and they thought they had something they could really sell. I think they had it in more theatres than any other picture in Universal's group of films for the year. There was just a tremendous kind of advance hype on it. What happened was that Lou Wasserman, who was then head of the studio, saw the picture and literally hated it. He just was offended by it. I don't know whether it was just his personal taste or whether it was that this whole group of pictures that Two-Lane Blacktop was part of --
What group was that?
There was a group of five pictures that one of the Universal executives at the time had under his wing to produce. There was a Milos Foreman picture, a Frank Perry picture, there was a Dennis Hopper picture, and I think Peter Fonda had one of them, too. What had happened was that Wasserman had agreed to produce these pictures through Universal but really didn't believe in them and really wanted to kill the whole program. And so he didn't promote any of the pictures and in particular Two-Lane Blacktop. It opened in New York City on July Fourth weekend without one single newspaper ad. People didn't even know it was playing. The excuse was that it was Fourth of July weekend and nobody would be in town, so what's the point in advertising? But then if nobody's going to be in town, then why open the picture?
It's not your standard summertime guys-and-cars film, either. It's a very stark, lyrically macho, combative kind of thing that's going on in the film, between Dennis Wilson and James Taylor and Warren Oates, you know? Like a postmodern Western of sorts. It's not American Grafitti. How much of that verbal and emotional taciturnity came packaged in the script [by Will Corry, later by Rudy Wurlitzer] and how much of it came from you?
The script that I was given bears no resemblance to the movie. Rudy Wurlitzer had not yet been involved -- it was a Will Corry script that had been bought by, not Universal but by another studio, for producer Michael Laughlin. He asked me to direct it, and I said that I would, because I liked the basic idea of it, but I said I would only do it if I could hire somebody else to do a new screenplay. And he agreed and we found Rudy, and I worked alongside him while he was developing the script. It was exactly the movie that I wanted to make, and I was really excited to be working on it.
How did you select James Taylor and Dennis Wilson, a pair of musicians, for the two leads?
I saw James' picture on a billboard on the Sunset Strip and asked to have him come in and do a screen test. Dennis Wilson was the last actor to be cast and we saw just, you know, hundreds of people before him.
What was it about Wilson that caught your eye?
I think just that he had lived that role, that he really grew up with cars. It was almost as though he were born with a greasy rag in his back pocket.
How much of an influence did the Sixties have on your directorial style? So many of your films -- from Two-Lane Blacktop to the spaghetti Western of China 9, Liberty 37 to the so-called "existential" Westerns you did with Nicholson early on -- seem to be saturated in that sort of rebel ideal that we've come to identify with that decade. Was that always in you or was it a sign of the times?
I think my formative years as a director really were the Fifties. Maybe somewhat into the Sixties, but I think I was very influenced by the films that I saw in [the Fifties] such as A Place in the Sun and by directors such as George Stevens, John Huston, Carol Reed, and by some of the New Wave and some of the Italian directors of the early Sixties.
Warren Oates was a Hellman regular up until his death in 1982. How did that relationship come about?
I had seen him in a production of Cuckoo's Nest at the Player's Ring Theater in Los Angeles, and he was also a friend of Nicholson's. I think it was remembering him from Cuckoo's Nest that made me think of him for The Shooting, which was the first time we worked together. I remember there was a book store in Beverly Hills called Martindales and I was in there one day and -- sometimes I just get "flashes" -- and I got a flash of Millie Perkins and Warren Oates and Will Hutchins. I thought of all three of them in one flash, they didn't just come to me one at a time. I was so excited that I ran out of the bookstore and called Jack to tell him my idea and he called Warren.
Do you have a personal favorite amongst your films?
I think it's always the one I'm about to do.
And what are you about to do?
I'm about to do a picture called The Pay Off. That's going to be done in Austin and should be shooting in August. It's a romantic adventure thriller in the manner of The Getaway.
How did you become involved in producing Reservoir Dogs?
The script had been sent to me with the idea that I might be interested in directing it, and I was. I was very excited about it. A meeting was set up between me and Tarantino and the day we met he had sold the script of True Romance and he decided that he had the ability to hold out to direct Reservoir Dogs himself. He said he admired me and admired my work, but he hoped I would understand, and I did. I was so impressed with him, and he just oozed this kind of authority that I said I thought he'd probably do a terrific job, and if there's anything I can do to help, I would. And so I did.
What's the most important thing about being a director to you? If you could sum it all up at the end of the day, what's it all about?
[laughing] Oh god. That's like saying "Why do you live?" I've been in love with the movies as long as I can remember. I went to see my first movie when I was four years old -- I wish I could remember what it was -- but, you know, I've always lived in this dream world that's been stimulated by this wonderful medium and I think it's a tremendous privilege to be able to play with it, and to experience it, and to add my own manufactured dreams to the others that I've been living with right along.
Entretien avec Marc Savlov réalisé le 10 mai 2000 pour Austin Chronicle
I was producing and directing in the theatre in Los Angeles, and Roger was one of the investors in the theatre I was at. We got evicted, as it happened, when they decided to tear the theatre down and turn it into a movie theatre. Roger made a comment that I should look at that as the handwriting on the wall, so to speak, and take it as a sign to start working in films, and he offered me a movie.
How do you view those early works looking back today?
Well, I'm embarrassed by The Beast From Haunted Cave just because when I see it I just see my total, ah, ignorance at the time and just a lack of knowledge of the medium. So that's an embarrassment, but not because of the kind of picture it was or the situation with Corman but just because of my own lack of experience. I think very fondly of the days on The Terror and a whole series of other pictures that I did pieces of -- that experience was terrific because I really had my own unit and I was able to produce, write, and direct some stuff that I thought was very creative. And it was a great learning experience.
What were those "pieces" of films you did?
Oh, there was a whole series. I actually added some scenes to Beast From Haunted Cave as well as Last Woman on Earth, Creature From the Haunted Sea (which was a remake of Beast From the Haunted Cave), and Ski Troop Attack.
Beginning with The Wild Ride (1960) you began a working relationship with Jack Nicholson which continued for some time. How did that come about?
We became friends on The Wild Ride, and we ended up writing a script together which Corman was supposed to produce but he ended up changing his mind and instead offered us the chance to do a pair of Westerns in Utah [Ride in the Whirlwind, 1965; The Shooting, 1967].
Were the Westerns that you did in the mid-Sixties something you were eager to do or were they more something you were saddled with?
Well, we didn't ask to do the two Westerns -- that was Corman's idea -- but it happened to be something that I was very fond of. I was a big fan of Westerns all through my formative years, and I was a great fan of The Lone Ranger serials when I was growing up.
Those early Corman years were an amazingly fruitful time for so many young filmmakers who are now some of the most respected and influential artists of our time. What was it about Roger Corman that drew so many young maverick directors to him?
Well, I think it wasn't just directors. Roger was (and is) an extremely bright guy, he's a Rhodes scholar, he was an engineering student at Stanford University, he's just absolutely one of the brightest people I've known in my life. Like a lot of bright people -- not all, but a lot of bright people -- he wanted to surround himself with other bright people. Roger wouldn't even consider anybody for his personal assistant or secretary unless they had a Phi Beta Kappa key. He had these kind of prejudices in favor of intelligence, and so he hired a lot of bright people to work for him in every department including filmmakers.
Was it ever intimidating working under the time and budget constraints that Corman is known for?
Not intimidating, but it was a challenge. I enjoy that kind of challenge. I kind of did my training in summer stock, and that was far more harrowing an experience than anything I ever did with Corman.
To this day, Two-Lane Blacktop is the film you're best known for, and rightly so. That said, the film pretty much sank without a trace when it was released in the summer of 1971 despite having been nominated "Film of the Year" by Esquire magazine, which also ran a cover story in their April issue. What happened?
It was very simple. The sales department at Universal was very enthusiastic, and they thought they had something they could really sell. I think they had it in more theatres than any other picture in Universal's group of films for the year. There was just a tremendous kind of advance hype on it. What happened was that Lou Wasserman, who was then head of the studio, saw the picture and literally hated it. He just was offended by it. I don't know whether it was just his personal taste or whether it was that this whole group of pictures that Two-Lane Blacktop was part of --
What group was that?
There was a group of five pictures that one of the Universal executives at the time had under his wing to produce. There was a Milos Foreman picture, a Frank Perry picture, there was a Dennis Hopper picture, and I think Peter Fonda had one of them, too. What had happened was that Wasserman had agreed to produce these pictures through Universal but really didn't believe in them and really wanted to kill the whole program. And so he didn't promote any of the pictures and in particular Two-Lane Blacktop. It opened in New York City on July Fourth weekend without one single newspaper ad. People didn't even know it was playing. The excuse was that it was Fourth of July weekend and nobody would be in town, so what's the point in advertising? But then if nobody's going to be in town, then why open the picture?
It's not your standard summertime guys-and-cars film, either. It's a very stark, lyrically macho, combative kind of thing that's going on in the film, between Dennis Wilson and James Taylor and Warren Oates, you know? Like a postmodern Western of sorts. It's not American Grafitti. How much of that verbal and emotional taciturnity came packaged in the script [by Will Corry, later by Rudy Wurlitzer] and how much of it came from you?
The script that I was given bears no resemblance to the movie. Rudy Wurlitzer had not yet been involved -- it was a Will Corry script that had been bought by, not Universal but by another studio, for producer Michael Laughlin. He asked me to direct it, and I said that I would, because I liked the basic idea of it, but I said I would only do it if I could hire somebody else to do a new screenplay. And he agreed and we found Rudy, and I worked alongside him while he was developing the script. It was exactly the movie that I wanted to make, and I was really excited to be working on it.
How did you select James Taylor and Dennis Wilson, a pair of musicians, for the two leads?
I saw James' picture on a billboard on the Sunset Strip and asked to have him come in and do a screen test. Dennis Wilson was the last actor to be cast and we saw just, you know, hundreds of people before him.
What was it about Wilson that caught your eye?
I think just that he had lived that role, that he really grew up with cars. It was almost as though he were born with a greasy rag in his back pocket.
How much of an influence did the Sixties have on your directorial style? So many of your films -- from Two-Lane Blacktop to the spaghetti Western of China 9, Liberty 37 to the so-called "existential" Westerns you did with Nicholson early on -- seem to be saturated in that sort of rebel ideal that we've come to identify with that decade. Was that always in you or was it a sign of the times?
I think my formative years as a director really were the Fifties. Maybe somewhat into the Sixties, but I think I was very influenced by the films that I saw in [the Fifties] such as A Place in the Sun and by directors such as George Stevens, John Huston, Carol Reed, and by some of the New Wave and some of the Italian directors of the early Sixties.
Warren Oates was a Hellman regular up until his death in 1982. How did that relationship come about?
I had seen him in a production of Cuckoo's Nest at the Player's Ring Theater in Los Angeles, and he was also a friend of Nicholson's. I think it was remembering him from Cuckoo's Nest that made me think of him for The Shooting, which was the first time we worked together. I remember there was a book store in Beverly Hills called Martindales and I was in there one day and -- sometimes I just get "flashes" -- and I got a flash of Millie Perkins and Warren Oates and Will Hutchins. I thought of all three of them in one flash, they didn't just come to me one at a time. I was so excited that I ran out of the bookstore and called Jack to tell him my idea and he called Warren.
Do you have a personal favorite amongst your films?
I think it's always the one I'm about to do.
And what are you about to do?
I'm about to do a picture called The Pay Off. That's going to be done in Austin and should be shooting in August. It's a romantic adventure thriller in the manner of The Getaway.
How did you become involved in producing Reservoir Dogs?
The script had been sent to me with the idea that I might be interested in directing it, and I was. I was very excited about it. A meeting was set up between me and Tarantino and the day we met he had sold the script of True Romance and he decided that he had the ability to hold out to direct Reservoir Dogs himself. He said he admired me and admired my work, but he hoped I would understand, and I did. I was so impressed with him, and he just oozed this kind of authority that I said I thought he'd probably do a terrific job, and if there's anything I can do to help, I would. And so I did.
What's the most important thing about being a director to you? If you could sum it all up at the end of the day, what's it all about?
[laughing] Oh god. That's like saying "Why do you live?" I've been in love with the movies as long as I can remember. I went to see my first movie when I was four years old -- I wish I could remember what it was -- but, you know, I've always lived in this dream world that's been stimulated by this wonderful medium and I think it's a tremendous privilege to be able to play with it, and to experience it, and to add my own manufactured dreams to the others that I've been living with right along.
Entretien avec Marc Savlov réalisé le 10 mai 2000 pour Austin Chronicle
秀夫中田 Hideo Nakata
Le remake de Dark Water, par Walter Salles, vient de sortir en France. Avez-vous eu, à un moment ou à un autre, l’opportunité de le réaliser ?
Pas vraiment. Je suis allé voir les producteurs, et j’ai lu le scénario. A un moment ils étaient intéressés pour m’avoir en tant que réalisateur. Nous avons parlé du choix de l’actrice principale, et j’ai dit: "Jennifer Connelly, il faut que ce soit elle!" (rires). Après m’avoir rencontré, ils ont ensuite vu Walter Salles, et l’ont finalement choisi. Ils m’ont expliqué qu’ils aimaient tant mon film, qu’ils ne voulaient pas modifier le scénario, et que j’aurais, du coup, l’impression de me répéter. Voilà ce qui s’est passé, et nous en sommes restés là.
Avez-vous vu le film, ainsi que l’autre remake réalisé à partir de Ring par Gore Verbinski, Le Cercle ?
J’ai vu Le Cercle, et j’ai beaucoup aimé. Il y a quelques petites choses un peu trop similaires mais je sentais que le film allait avoir le succès qu’il a d’ailleurs remporté aux Etats-Unis et ailleurs. Parce que Gore a su recréer ce sentiment d’inquiétude, cette atmosphère. J’ai quelques réserves sur Samara, le fantôme, mais j’aime son traitement de l’histoire. Je pensais vraiment que ça allait marcher. Il y a une scène que j’aime plus particulièrement, qui est, à vrai dire, ma préférée, c’est celle de la traversée en ferry vers l’île. Naomi Watts s’approche du cheval, qui devient fou, part au galop, et finit par se suicider. Cette scène m’intéresse parce qu’elle a quelque chose de bizarre, d’étrange, qu’elle n’est pas naturelle. C’est quelque chose qui ne devrait pas arriver, et ce passage parvient à capturer ce sentiment de malédiction, un symbole annonçant ce qui va arriver sur l’île. Gore a apporté un vrai soin à cette scène, qu’il a tournée en une semaine, là où je n’aurais passé que deux heures dessus (rires). La seule chose qui me pose problème, c’est que l’histoire est sensée se dérouler sur sept jours, avec une véritable notion de compte à rebours. Pour moi il y a un problème de rythme, on ne sent pas vraiment le temps s’écouler, ce qui était important car il est question de survie, et de la tension que cette quête implique. Les deux derniers jours sont très longs là où, selon moi, le film aurait dû aller de plus en plus vite, et il ne faut pas que le public perde de vue cette idée de temps qui presse. Pour ce qui est de Dark Water, je l’ai vu il y a quelques temps. Walter est un véritable artiste, et il aime vraiment la réalité. C'est-à-dire qu’il y a une approche très réaliste dans le film. J’aime la prestation de Jennifer Connelly, j’aime la relation qu’elle entretient avec sa fille, et le décor était particulièrement bien choisi. Pour moi, le problème vient du fantôme. En effet le fantôme de la petite fille ne ressemble pas tellement à un fantôme, juste à une petite fille (rires). Je comprends cette approche, qui veut que le fantôme ait quelque chose de très humain, banal, mais dans le genre horrifique, il faut faire avec des événements surnaturels, faire appel à l’imaginaire, c’est un équilibre qui manque dans le traitement de ce fantôme-là. Mais j’ai aimé l’atmosphère, la photographie…
Dark Water est un film qui traite de la maternité, avec notamment l’eau comme un symbole féminin fort. Avez-vous jamais envisagé que cette histoire puisse être racontée d’un point de vue masculin, est-ce qu’un film traitant de la paternité aurait été complètement différent ?
Alors effectivement ça aurait été parfaitement possible. Mais dans le genre de l’horreur, ce n’est pas une véritable règle, mais si vous avez d’un côté une mère célibataire et son enfant, un père célibataire et son enfant, et en face, le fantôme d’une petite fille, à la recherche de quelqu’un… Vous savez, je ne veux pas être sexiste, mais généralement, le public pensera que le père pourra protéger son enfant contre une puissance surnaturelle, là où la mère sera plus vulnérable, exposée. Ça peut paraître un peu misogyne mais je pense que c’est une réaction naturelle de la part du public. Et puis quand il s’agira d’un fantôme adulte, il ne faudra pas qu’on croit qu’il est là pour séduire le père (rires). Bref, ce n’est pas une règle mais c’est ainsi qu’on a voulu procéder.
En voyant Dark Water, il y a des éléments qui rappellent le cinéma de Mizoguchi, ses thèmes ou ses figures. Le personnage féminin fort, sa souffrance et sa solitude dans un univers très masculin voire macho, le contexte social difficile, le ton tragique apporté à l’histoire.
Quand j’étais cinéphile, plus jeune, un peu comme vous, Mizoguchi était mon héros. J’adore sa façon de peindre des personnages qui se battent pour leur survie, appartenant souvent aux classes les plus basses de la société, comme ses personnages de prostituées. Je pense que tout cela a à voir avec son background personnel. Il a été élevé par sa sœur, qui était également geisha je crois, il connaissait les gens dont il a parlé ensuite. J’étais différent. Ma mère était institutrice, et j’ai été élevé seulement par elle, ainsi que ma grand-mère. Je n’ai écrit ni Ring ni Dark Water, mais étrangement on y retrouve des personnages féminins forts qui sont des mères célibataires. Je ne dis pas qu’il s’agit de ma mère dans ces films, mais dans le traitement, il doit y avoir des points communs apportés de façon inconsciente. C’est une très bonne remarque en fait, pour moi des réalisateurs comme Mizoguchi, Naruse, ce sont des géants. Et mes films peuvent sembler complètement différents. Mais… vous vous souvenez de l’épilogue de Dark Water ?
Oui, lorsque la lycéenne revient dans son ancien appartement…
…et elle avance, puis se retourne, est sur le point de partir, et elle entend le bruit d’une goutte d’eau. Elle se retourne, et voit le fantôme de sa mère. Et elles commencent une conversation. En filmant cette histoire, et ce passage, j’ai pensé aux Contes de la lune vague après la pluie. Vous vous souvenez de la partie finale, où l’homme rentre chez lui, et voit son épouse qui tient, dans ses bras, leur enfant. Il court pour annoncer son retour dans le village, la caméra effectue un mouvement à 360°, et quand il revient dans sa maison, sa femme a disparu car elle n’est plus qu’un fantôme, après avoir été assassinée par des soldats, sur la route. Vous savez, c’est une technique très simple, Kinuyo Tanaka, l’actrice qui interprète la mère, s’est juste cachée au moment voulu (rires). L’émotion du fantôme est là, puis disparaît, simplement. Dans Dark Water, c’est une sorte d’hommage. A vrai dire je n’ose pas penser à Mizoguchi car c’est vraiment quelqu’un de trop grand pour moi. Mais ça reste une remarque très juste ! (rires)
La plupart des vieux films de fantômes japonais sont souvent des contes moraux, avec un pécheur et son châtiment, le tout situé dans un Japon rural. Aujourd’hui le décor est beaucoup plus urbain, le fantôme est high-tech (il sort de la télévision, se balade sur le net), il exprime un sentiment de solitude… Que pensez-vous de cette évolution, que signifie t-elle selon vous ?
Pour prendre un exemple, avez-vous vu Le Fantôme de Yotsuya, de Nakagawa ? Cette histoire est un conte moral typique, avec un personnage qui cherche à progresser socialement, et qui en vient à tuer sa femme, avant d’être hanté par son fantôme et de finir par se suicider. Aujourd’hui il y a un aspect moral également, dans le personnage de Sadako, qui est une victime et qui a été abandonnée, mais la différence vient du fait que Sadako peut tuer n’importe qui, même des personnages qui n’ont rien à voir avec ce trauma passé. Dans les histoires de fantômes classiques, il y avait une question d’éthique. Aujourd’hui, les jeunes se fichent plus ou moins de cette morale-là, qui est devenue un peu un cliché, avec ces histoires de vengeance répétées à l’infini. L’idée, dans l’approche moderne du genre, est d’impliquer davantage le public. J’avais envie qu’il se demande ce qui se passerait s’il voyait la vidéo maudite. La télévision, le magnétoscope, ce sont des choses qui appartiennent tellement au quotidien… Et lorsqu’on éteint la télé, l’écran est noir, mais reflète ton visage si tu te regardes dedans. A priori rien d’anormal mais il fallait créer cette hésitation. Le fait que Sadako puisse tuer n’importe qui a marché sur un jeune public qui n’était plus sensible aux anciennes histoires et leur morale, où les punis étaient des pécheurs. Je suis une bonne personne, mais puis-je être tué par Sadako ? Il y a une différence ici, un sentiment de paranoïa. Mais personnellement, j’aime ces vieilles histoires, peut-être que je n’appartiens pas à la jeune génération (rires).
Sept ans après Ring, comment se porte le cinéma d’horreur japonais, y a-t-il, selon vous, de nouveaux talents ?
J’ai bien peur de ne pas être la bonne personne pour répondre à cette question, car je vis à Hollywood depuis deux-trois ans, et c’est vrai que, là-bas, je n’ai pas tellement vu de films d’horreur japonais. A part celui de Takashi Shimizu. (réalisateur de Ju-on et de son remake américain, The Grudge, ndlr)
Durant cette Carte Blanche, vous avez parlé de l’influence de Nobuo Nakagawa sur votre cinéma. Vous avez choisi des films très divers, quels autres réalisateurs vous influencent-ils le plus ?
Je ne peux pas dire si ce film-là ou ce film-ci m’a influencé dans l’absolu, par contre quand j’ai travaillé sur Chaos, j’ai revu Sueurs froides par exemple. Généralement, mes réalisateurs préférés ont œuvré dans le mélodrame. George Cukor, Max Ophüls, Jean Renoir, François Truffaut, mais je ne sais pas à quel point j’ai été influencé par leur travail. Quand je travaille, que je cherche à obtenir quelque chose en particulier, je vais voir chez Hitchcock, dans La Maison du diable de Robert Wise, Les Innocents de Jack Clayton…
Entretien réalisé par Nicolas Bardot à Paris, le 9 septembre 2005, pour Filmdeculte.
Pas vraiment. Je suis allé voir les producteurs, et j’ai lu le scénario. A un moment ils étaient intéressés pour m’avoir en tant que réalisateur. Nous avons parlé du choix de l’actrice principale, et j’ai dit: "Jennifer Connelly, il faut que ce soit elle!" (rires). Après m’avoir rencontré, ils ont ensuite vu Walter Salles, et l’ont finalement choisi. Ils m’ont expliqué qu’ils aimaient tant mon film, qu’ils ne voulaient pas modifier le scénario, et que j’aurais, du coup, l’impression de me répéter. Voilà ce qui s’est passé, et nous en sommes restés là.
Avez-vous vu le film, ainsi que l’autre remake réalisé à partir de Ring par Gore Verbinski, Le Cercle ?
J’ai vu Le Cercle, et j’ai beaucoup aimé. Il y a quelques petites choses un peu trop similaires mais je sentais que le film allait avoir le succès qu’il a d’ailleurs remporté aux Etats-Unis et ailleurs. Parce que Gore a su recréer ce sentiment d’inquiétude, cette atmosphère. J’ai quelques réserves sur Samara, le fantôme, mais j’aime son traitement de l’histoire. Je pensais vraiment que ça allait marcher. Il y a une scène que j’aime plus particulièrement, qui est, à vrai dire, ma préférée, c’est celle de la traversée en ferry vers l’île. Naomi Watts s’approche du cheval, qui devient fou, part au galop, et finit par se suicider. Cette scène m’intéresse parce qu’elle a quelque chose de bizarre, d’étrange, qu’elle n’est pas naturelle. C’est quelque chose qui ne devrait pas arriver, et ce passage parvient à capturer ce sentiment de malédiction, un symbole annonçant ce qui va arriver sur l’île. Gore a apporté un vrai soin à cette scène, qu’il a tournée en une semaine, là où je n’aurais passé que deux heures dessus (rires). La seule chose qui me pose problème, c’est que l’histoire est sensée se dérouler sur sept jours, avec une véritable notion de compte à rebours. Pour moi il y a un problème de rythme, on ne sent pas vraiment le temps s’écouler, ce qui était important car il est question de survie, et de la tension que cette quête implique. Les deux derniers jours sont très longs là où, selon moi, le film aurait dû aller de plus en plus vite, et il ne faut pas que le public perde de vue cette idée de temps qui presse. Pour ce qui est de Dark Water, je l’ai vu il y a quelques temps. Walter est un véritable artiste, et il aime vraiment la réalité. C'est-à-dire qu’il y a une approche très réaliste dans le film. J’aime la prestation de Jennifer Connelly, j’aime la relation qu’elle entretient avec sa fille, et le décor était particulièrement bien choisi. Pour moi, le problème vient du fantôme. En effet le fantôme de la petite fille ne ressemble pas tellement à un fantôme, juste à une petite fille (rires). Je comprends cette approche, qui veut que le fantôme ait quelque chose de très humain, banal, mais dans le genre horrifique, il faut faire avec des événements surnaturels, faire appel à l’imaginaire, c’est un équilibre qui manque dans le traitement de ce fantôme-là. Mais j’ai aimé l’atmosphère, la photographie…
Dark Water est un film qui traite de la maternité, avec notamment l’eau comme un symbole féminin fort. Avez-vous jamais envisagé que cette histoire puisse être racontée d’un point de vue masculin, est-ce qu’un film traitant de la paternité aurait été complètement différent ?
Alors effectivement ça aurait été parfaitement possible. Mais dans le genre de l’horreur, ce n’est pas une véritable règle, mais si vous avez d’un côté une mère célibataire et son enfant, un père célibataire et son enfant, et en face, le fantôme d’une petite fille, à la recherche de quelqu’un… Vous savez, je ne veux pas être sexiste, mais généralement, le public pensera que le père pourra protéger son enfant contre une puissance surnaturelle, là où la mère sera plus vulnérable, exposée. Ça peut paraître un peu misogyne mais je pense que c’est une réaction naturelle de la part du public. Et puis quand il s’agira d’un fantôme adulte, il ne faudra pas qu’on croit qu’il est là pour séduire le père (rires). Bref, ce n’est pas une règle mais c’est ainsi qu’on a voulu procéder.
En voyant Dark Water, il y a des éléments qui rappellent le cinéma de Mizoguchi, ses thèmes ou ses figures. Le personnage féminin fort, sa souffrance et sa solitude dans un univers très masculin voire macho, le contexte social difficile, le ton tragique apporté à l’histoire.
Quand j’étais cinéphile, plus jeune, un peu comme vous, Mizoguchi était mon héros. J’adore sa façon de peindre des personnages qui se battent pour leur survie, appartenant souvent aux classes les plus basses de la société, comme ses personnages de prostituées. Je pense que tout cela a à voir avec son background personnel. Il a été élevé par sa sœur, qui était également geisha je crois, il connaissait les gens dont il a parlé ensuite. J’étais différent. Ma mère était institutrice, et j’ai été élevé seulement par elle, ainsi que ma grand-mère. Je n’ai écrit ni Ring ni Dark Water, mais étrangement on y retrouve des personnages féminins forts qui sont des mères célibataires. Je ne dis pas qu’il s’agit de ma mère dans ces films, mais dans le traitement, il doit y avoir des points communs apportés de façon inconsciente. C’est une très bonne remarque en fait, pour moi des réalisateurs comme Mizoguchi, Naruse, ce sont des géants. Et mes films peuvent sembler complètement différents. Mais… vous vous souvenez de l’épilogue de Dark Water ?
Oui, lorsque la lycéenne revient dans son ancien appartement…
…et elle avance, puis se retourne, est sur le point de partir, et elle entend le bruit d’une goutte d’eau. Elle se retourne, et voit le fantôme de sa mère. Et elles commencent une conversation. En filmant cette histoire, et ce passage, j’ai pensé aux Contes de la lune vague après la pluie. Vous vous souvenez de la partie finale, où l’homme rentre chez lui, et voit son épouse qui tient, dans ses bras, leur enfant. Il court pour annoncer son retour dans le village, la caméra effectue un mouvement à 360°, et quand il revient dans sa maison, sa femme a disparu car elle n’est plus qu’un fantôme, après avoir été assassinée par des soldats, sur la route. Vous savez, c’est une technique très simple, Kinuyo Tanaka, l’actrice qui interprète la mère, s’est juste cachée au moment voulu (rires). L’émotion du fantôme est là, puis disparaît, simplement. Dans Dark Water, c’est une sorte d’hommage. A vrai dire je n’ose pas penser à Mizoguchi car c’est vraiment quelqu’un de trop grand pour moi. Mais ça reste une remarque très juste ! (rires)
La plupart des vieux films de fantômes japonais sont souvent des contes moraux, avec un pécheur et son châtiment, le tout situé dans un Japon rural. Aujourd’hui le décor est beaucoup plus urbain, le fantôme est high-tech (il sort de la télévision, se balade sur le net), il exprime un sentiment de solitude… Que pensez-vous de cette évolution, que signifie t-elle selon vous ?
Pour prendre un exemple, avez-vous vu Le Fantôme de Yotsuya, de Nakagawa ? Cette histoire est un conte moral typique, avec un personnage qui cherche à progresser socialement, et qui en vient à tuer sa femme, avant d’être hanté par son fantôme et de finir par se suicider. Aujourd’hui il y a un aspect moral également, dans le personnage de Sadako, qui est une victime et qui a été abandonnée, mais la différence vient du fait que Sadako peut tuer n’importe qui, même des personnages qui n’ont rien à voir avec ce trauma passé. Dans les histoires de fantômes classiques, il y avait une question d’éthique. Aujourd’hui, les jeunes se fichent plus ou moins de cette morale-là, qui est devenue un peu un cliché, avec ces histoires de vengeance répétées à l’infini. L’idée, dans l’approche moderne du genre, est d’impliquer davantage le public. J’avais envie qu’il se demande ce qui se passerait s’il voyait la vidéo maudite. La télévision, le magnétoscope, ce sont des choses qui appartiennent tellement au quotidien… Et lorsqu’on éteint la télé, l’écran est noir, mais reflète ton visage si tu te regardes dedans. A priori rien d’anormal mais il fallait créer cette hésitation. Le fait que Sadako puisse tuer n’importe qui a marché sur un jeune public qui n’était plus sensible aux anciennes histoires et leur morale, où les punis étaient des pécheurs. Je suis une bonne personne, mais puis-je être tué par Sadako ? Il y a une différence ici, un sentiment de paranoïa. Mais personnellement, j’aime ces vieilles histoires, peut-être que je n’appartiens pas à la jeune génération (rires).
Sept ans après Ring, comment se porte le cinéma d’horreur japonais, y a-t-il, selon vous, de nouveaux talents ?
J’ai bien peur de ne pas être la bonne personne pour répondre à cette question, car je vis à Hollywood depuis deux-trois ans, et c’est vrai que, là-bas, je n’ai pas tellement vu de films d’horreur japonais. A part celui de Takashi Shimizu. (réalisateur de Ju-on et de son remake américain, The Grudge, ndlr)
Durant cette Carte Blanche, vous avez parlé de l’influence de Nobuo Nakagawa sur votre cinéma. Vous avez choisi des films très divers, quels autres réalisateurs vous influencent-ils le plus ?
Je ne peux pas dire si ce film-là ou ce film-ci m’a influencé dans l’absolu, par contre quand j’ai travaillé sur Chaos, j’ai revu Sueurs froides par exemple. Généralement, mes réalisateurs préférés ont œuvré dans le mélodrame. George Cukor, Max Ophüls, Jean Renoir, François Truffaut, mais je ne sais pas à quel point j’ai été influencé par leur travail. Quand je travaille, que je cherche à obtenir quelque chose en particulier, je vais voir chez Hitchcock, dans La Maison du diable de Robert Wise, Les Innocents de Jack Clayton…
Entretien réalisé par Nicolas Bardot à Paris, le 9 septembre 2005, pour Filmdeculte.
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